Immersion à l’Escale de la Save : les épiceries locales, points clés des circuits courts

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Estelle Machenaud, la propriétaire de l’épicerie L’Escale de la Save. Crédit : Maëlle Barreau

Il y a deux ans et demi, une nouvelle boutique a ouvert ses portes dans le village de Merville, au nord de Toulouse. Appelée “L’Escale de la Save”, cette petite épicerie à la devanture rouge propose à ses clients une sélection de produits locaux, issus de circuits courts. Si Estelle Machenaud a d’abord voulu répondre à un besoin personnel, elle n’était apparemment pas la seule dans le village à vouloir consommer local. Car depuis son ouverture, le magasin ne désemplit pas.

Bonjour Cécile ! Comment allez-vous ?” Il est 9h à L’Escale de la Save. L’épicerie vient d’ouvrir, et déjà, les clients et clientes se précipitent dans les rayons. Légumes, fromages, vrac mais aussi vins et produits d’épicerie fine sont vendus dans cette petite boutique de Merville, à deux pas de la place du village. Ici, pratiquement tout est produit dans la région occitane. “Mon objectif, c’est de rendre accessible en un seul point de vente la production locale”, explique Estelle Machenaud, la propriétaire. Après avoir travaillé dans le tourisme, puis dans l’audioprothèse, elle a ouvert sa boutique il y a deux ans et demi. “Finalement, le lien entre tous ces domaines, c’est le service à la personne et le relationnel !”, raconte-t-elle en riant. “C’est ce qui m’anime.”

Cela faisait plusieurs années qu’il n’y avait pas eu de commerce dans ce genre dans le village. “Avec mon mari, on se faisait souvent la réflexion qu’il manquait d’une petite épicerie à Merville.” Car la passion du local, c’est de famille. “On a toujours éduqué nos filles aux bons produits et à manger local. Quand elles étaient petites, je les amenais souvent au marché, je leur parlais de l’origine des légumes qu’on achetait.

Le rayon épicerie fine de l’Escale de la Save. Crédit : Maëlle Barreau

Un pari qui s’est avéré payant

Des changements internes dans l’ancienne entreprise d’Estelle Machenaud ont fini par la convaincre de se lancer. Dès lors, tout est allé très vite. Le projet de création d’entreprise a été monté en été 2021, et l’épicerie a ouvert ses portes le 15 janvier 2022. Depuis, la boutique ne désemplit pas. “On a très vite eu une clientèle solide. J’avais peur que cela ne soit que l’effet de la nouveauté et que ça s’essouffle, mais ce n’est jamais arrivé”, raconte la gérante. Aujourd’hui, pour pouvoir gérer le flux, elle est épaulée par Sonia, son employée, et Romane, son apprentie.

Avant d’ouvrir cette épicerie, Estelle Machenaud travaillait à 60%. Alors forcément, il a fallu un temps d’adaptation à la petite famille. “Les premiers temps, mes filles me demandaient quand j’allais arrêter de travailler à l’épicerie”, se souvient la propriétaire. Depuis, ils ont réussi à trouver un équilibre. “Sans le soutien de mes enfants et de mon mari, je n’y serais jamais arrivée”, souligne Estelle.

Ici, le terme “commerce de proximité” prend tout son sens. Les clients ont leurs habitudes, et sont pour la plupart bien connus par l’équipe. “Ça, je sais exactement à qui je vais le proposer !” s’exclame Sonia en rangeant les nouveaux arrivages. Les vendeuses appellent les clients par leur prénom, prennent des nouvelles d’eux et de leur famille. C’est exactement l’ambiance que la gérante souhaitait avoir à l’Escale de la Save : “C’est toute la magie d’une boutique de village.

Sonia et Estelle rangent les nouveaux arrivages à l’Escale de la Save. Crédit : Maëlle Barreau

Rendre le manger local accessible à tous

Les fraises de Daniel. Crédit : Maëlle Barreau

Toute la semaine, différents producteurs viennent livrer leur marchandise directement au magasin. Des produits frais, comme les flans de la p’tite ferme de Caussade ou les fraises de Daniel – “Les dernières de la saison pour cette variété !”-, mais aussi des confitures d’Un Monde de confitures, à Colomiers, ou encore des conserves des Fins gourmets, dans le Quercy. Comme c’est la première fois qu’elle passe commande auprès de ces derniers, Estelle vérifie les prix avec Lucas, le commercial des Fins Gourmets. “Généralement, j’essaye de m’aligner sur les prix de vente de mes producteurs. L’idée, c’est vraiment d’être accessible au plus grand nombre.” Des prix qui surprennent parfois les nouveaux clients. Certains en arrivent même à douter de la provenance des produits. “Si c’est trop cher, ça ne va pas, mais si ça ne l’est pas assez, ça ne convient pas non plus !”, s’exclame Sonia, l’employée de l’Escale de la Save.

L’accessibilité, c’est aussi primordial pour Marion. Elle avait passé un mois aux côtés d’Estelle afin d’apprendre les dessous du milieu. Aujourd’hui, elle est la propriétaire de l’épicerie Envie d’Ici à Blagnac, “On essaye au maximum de rester cohérents sur les prix. Même si nos clients à Blagnac sont moins regardants qu’ils peuvent l’être ailleurs, on ne force jamais à l’achat.” Lors de l’ouverture, Marion a d’ailleurs volontairement évité l’expression “épicerie fine” sur la devanture, car elle ne voulait pas que ses potentiels clients aient l’impression d’une boutique élitiste. Les deux commerçantes entretiennent aujourd’hui encore de très bonnes relations, tout comme avec leurs collègues des villages alentours. “On échange des contacts, on se rend des services, ça fait plaisir. On se sent moins seules au quotidien, même si l’on est chacune dans nos boutiques respectives”, explique Estelle.

Multiplier ses producteurs

Mais tous les producteurs ne peuvent pas se permettre de faire la livraison aux épiceries du secteur. Il arrive qu’Estelle aille chercher certaines marchandises directement sur place. Situés à Fronton, les Folies Bergères élèvent agneaux et brebis. En arrivant à leur exploitation, Estelle commence par dire bonjour au chien des propriétaires. Puis, elle dépose dans une caisse les pots consignés que ses clients lui ont ramenés. Dans le hall du bâtiment principal, il y a un grand frigo. Ici, les exploitants ne sont pas toujours disponibles pour remettre leur marchandise en main propre aux revendeurs. Ils ont donc installé une sorte d’armoire réfrigérée à case. Pour pouvoir récupérer ses produits, Estelle tape sur la tablette le code qui déverrouille son emplacement. Dans le frigo, la spécialité phare de ce producteur à l’Escale de la Save : les yaourts de brebis. “Chouette !” s’exclame la commerçante. “Ils m’ont mis du yaourt au chocolat, c’est le préféré de mon mari !

Pour les produits frais, et notamment les fruits et légumes, Estelle se rend régulièrement au Grand Marché MIN de Toulouse, le Marché d’Intérêt National. Accessible uniquement aux professionnels, on y retrouve toute sorte de marchandises, principalement issues de la filière alimentaire, mais pas que. Une partie du lieu est par exemple dédiée au marché aux fleurs. En arrivant, la gérante de l’Escale de la Save se dirige immédiatement vers l’emplacement réservé aux fruits et légumes bios et locaux. Quelques jours avant, Estelle a passé commande auprès de certains producteurs présents, avec qui elle a l’habitude de travailler. Elle est donc certaine de repartir avec ses tomates, ses carottes et une cagette des “meilleurs abricots de la région !”. Mais elle se laisse aussi tenter par les produits sur place, comme des haricots verts, ou encore un bouquet de persil.

Pour aller au MIN, il faut se lever très tôt : le vendredi, le marché ouvre à 6h du matin. Départ de Merville à 5h30 précises, si l’on veut voir le lever du rideau ! Avec une boutique ouverte jusqu’à 19h30 du mardi au samedi, cela fait parfois de très longues journées pour la gérante. Car dans une épicerie telle que celle-ci, le réapprovisionnement au Grand Marché doit se faire deux à trois fois par semaine. Heureusement, Estelle peut compter sur ses consœurs des villes alentours. “Mercredi, c’est Corinne, du Comptoir de l’épicier à Larra, qui a récupéré mes commandes. Aujourd’hui, c’est à mon tour de lui ramener les siennes !”, explique Estelle.

Estelle Machenaud dévérouille son casier aux Folies Bergères. Crédit : Maëlle Barreau
Le chariot d’Estelle Machenaud au Marché d’Intérêt National (MIN). Crédit : Maëlle Barreau
Corine, la gérante du Comptoir de l’épicier à Larra, aide Estelle Machenaud à charger sa voiture des provisions du MIN. Crédit : Maëlle Barreau

Garder le contact

Estelle Machenaud au téléphone avec un de ses producteurs. Crédit : Maëlle Barreau

Le cœur du métier d’Estelle est de créer des relations avec les producteurs des alentours. Toute la journée, la commerçante est au téléphone avec ses partenaires. Elle prend de leurs nouvelles, vérifie leurs stocks, passe des commandes. “Bonjour Guillaume !”. Guillaume travaille à l’Atelier de l’écu sec. Situés à Mondonville, ils produisent des brioches, des pains burgers et des bagels. “J’aurais besoin d’ajouter deux pains burgers à ma prochaine commande”, lui explique Estelle. La gérante travaille de très près avec ses fournisseurs, et ajuste quotidiennement ses arrivages en fonction des besoins de la boutique et des demandes de ses clients.

Mais produire des denrées alimentaires, ce n’est pas un métier facile. Entre les aléas météorologiques, qui peuvent affecter certaines productions, les charges à payer, et la hausse de la mondialisation et de la surconsommation, les petits producteurs locaux ont parfois du mal à vivre de leur métier. “Ça arrive bien plus souvent que je ne l’aurais pensé”, avoue Estelle. Comme Christelle, de LC Douceurs et chocolats. Cette pharmacienne a décidé il y a quelques années de lancer en parallèle son atelier de confiseries au chocolat à Mondonville. Mais aujourd’hui, entre la hausse du cours du chocolat et son activité principale, elle songe à arrêter sa production. “C’est vraiment dommage, car elle fait de très bons produits dont nos clients raffolent”, déplore la gérante de l’Escale de la Save.

Le rayon fruits et légumes de l’Escale de la Save lors de la fermeture du samedi soir. Crédit : Maëlle Barreau

Il est déjà 19h30. L’heure pour Estelle et Sonia de plier boutique. Il faut maintenant trier les fruits et les légumes, et mettre en chambre froide tous ceux qui sont en bon état pour les préserver pour le lendemain. Les autres sont mis de côtés, et seront donnés aux clientes qui ont des poules ou des lapins, car “on essaye de gaspiller le moins possible !”. Après un rapide rangement et un coup d’aspirateur, la boutique est prête pour l’ouverture du lendemain. Il ne reste plus qu’à fermer le rideau de fer !

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